Le système graphique saintongeais et gabaye courant est le prolongement de la tendance majeure de l'écrit saintongeais depuis ses origines, qui est aussi celui d'autres langues romanes, exception faite du français. Il entérine une dominante phonétique, c'est-à-dire qu'en général on écrit comme on prononce. On accentue dans cette dominante phonétique des sons fondamentaux ou typiques d'une forme locale.
Le système est adapté à une langue à usage majoritairement oral, à fort enracinement local et s'opposant à une demande normative. Il implique le sentiment d'une identité spécifique.
Ces principes généraux étant posés, nous pouvons aller plus dans les détails.En ce qui concerne l'alphabet, comme toutes les langues d'origines latines (les langues romanes) le saintongeais et le gabaye utilisent l'alphabet latin. Nous utiliserons donc les mêmes lettres qu'en français.
Les voyelles :
Français
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Saintongeais, Gabaye
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a “ouvert”
a “fermé”
e muet
e (eu)
ai, é, et, est
i
o ouvert
o fermé
o fermé
u
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a
â
e
e
é
i
o ine pibole, une flute
o in pot', un pot
ô
u
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Tableau 1 Correspondance des voyelles Français/Saintongeais, Gabaye.
Les consonnes :
Nous ne traiterons que des consonnes utilisées différemment du français.et en saintongeais et gabaye
Comme on l'a vu précédemment, le l placé derrière une consonne est mouillé et devient "yeu". Jonain traduisait ce son par "ll" comme en espagnol. Ce double l a été repris dans la graphie normalisée. Or, si en espagnol il n'y a pas d'ambiguïté, car les consonnes ne sont jamais doublées sauf pour ll traduisant "yeu" et rr traduisant un son r long particulier, en revanche en français ou en saintongeais, le double l existe déjà. Il nous semble que cela crée une confusion, même si l'on peut arguer que ll n'existe jamais derrière une consonne. Justement, dans les langues romanes, il n'existe pas de consonnes doublées derrière une consonne. Dans la plupart des cas, placé en début ou en milieu de mot, le l palatisé peut tout simplement être remplacé par un i, comme le faisait Goulenéze et Odette Comandon, deux célèbres bardes saintongeais: dau bian, in piat, d'la guiace qui devient même d'la yace, fiache (mou). C'est aussi l'avis de Raymond Doussinet auteur de nombreux ouvrages sur le patois saintongeais.
Certains accentuent ce trait en intercalant un y avant le i comme le Grand Simounet' dans son livre Galope Chenaux aux éditions le Croix Vif: ine pyiace (une place), La Trembyiade (La Tremblade).
En finale, ce son est à peine marqué. L'écrire avec ie ou yie pourrait inciter à une prononciation accentuée de la finale, sans rapport avec la réalité. Tous les patoisants et les auteurs s'accordent pour remplacer le l palatisé en i en finale par une apostrophe: b', c', f'. "A tab' moun onc'!", A table mon oncle.
La graphie normalisée utilise aussi le ll pour traduire le son "gneu", comme pour borgne qui s'écrit alors borglle (Dictionnaire du Patois Saintongeais de Pierre Jonain, ou Lexique Français/Poitevin-Saintongeais édité par la SEFCO). Il nous semble que cela apporte de la confusion inutile et éloigne le lecteur de la réalité phonétique. On peut aller jusqu'à parler de bizarrerie. Nous adoptons, comme la quasi-totalité des auteurs, la notation française gn.
En résumé pour le l palatisé:
- à l'intérieur du mot: « i » comme dans bianchet', kiaire, kiasse, fiambeau, piante.
- en finale: « ' » comme capab', haïssab'.
Avant d'aborder le th, le tableau ci-dessous résume la prononciation des autres consonnes.
Français
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Saintongeais
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c devant e et i
ç devant a, o, o, ou
c devant a, o, u, ou
c devant l
b, f, p devant l
j et g devant e et i
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c se prononce s
ç se prononce s
c se prononce k
k devant l, palatisation du l
b, f, p devant l, palatisation du l
jh (j et g tout court n'existent pas devant e et i) fortement expiré
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Tableau 2 Prononciation des consonnes.courantes
Les consonnes c et d, sont identiques en français et en saintongeais. Sauf devant l, b, f et p sont équivalents en français et en saintongeais. Sauf devant e et i, g est équivalent en français et en saintongeais. Pour les autres consonnes, il n’y a pas de différence entre le français et le saintongeais ou le gabaye.
Autres particularités du saintongeais :
Le th note le son k mouillé intermédiaire en k et t. Dans la plupart des cas il peut traduire le son ch proche de l'allemand. Ainsi, thieu se dira chieu, thau se dira chau comme dans thau drigaille, ce foutoir. La graphie normalisée prônait le "ç", ce qui là encore éloignait de l'usage populaire sans apporter une traduction fidèle. Certes, le th n'apporte pas une traduction fidèle non plus, mais il est consensuel, d'autant qu'il est presque impossible d'englober en une seule lettre les sons locaux qui vont du "qu", au "t" en passant "ch" ou "tch". On trouve ainsi des prononciations locales différentes: queu drôle, tieu drôle, chieu drôle, cheu drôle…Mais on peut adopter dans la plupart des cas et par convention le th. Autres exemples: la thieusine, la cuisine, le thieur, le cœur, thieur, cuire, Les Durathieur, les Durs à cuire, troupe de théâtre charentaise.
On noter, en Pays Gabaye, que le queu au lieu du theu traduirait l'influence gasconne. Voir à ce propos un texte recueilli par l'Abbé Belloumeau au XIXe siècle sur les "Les Gabayes-Saintongeais ou Gabayes-The et les Gabayes-Gascons ou Gabayes-Que». On peut penser que c’est simplement l’influence de l’ancien français.